Religion permeates every aspect of life in the African societies. No aspect of life is taken in isolation without reference to its religious dimension. Interreligious Dialogue, therefore, presents some challenges to Christians on the continent. With African Traditional Religion (ATR), the challenges include: integration of religion and life, overcoming the past prejudices in order to see the values in ATR as semina Verbi for Christian evangelisation, and initiating relations despite lack of local knowledge of language, customs and culture. Against the claim that all Africans should be Muslims, Christians are challenged to demonstrate that the call to Christianity is an open invitation to every human being. Both Christians and Muslims are to defend universal human rights, especially religious liberty, and other values cherished and defended by ATR which are now being threatened by secularism, and they are to prove the possibility of conviviality of followers of different religions against the fundamentalist teaching of segregation and exclusivity. Scepticism on the part of some Christians over the true worth of interreligious dialogue is heightened when there is fear of syncretism, irenicism, and relativism. A Christian promoter of interreligious dialogue in Africa who is properly grounded in his or her religion is challenged to clear this fear.
1. INTRODUCTION On a pu observer, voir et commenter que, en général, les Africains sont très religieux. Ce n’est pas simplement une religiosité de surface. La religion imprègne chaque aspect de la vie africaine. Elle forme et informe « les catégories de pensée » en fonction desquelles les événements de la vie sont interprétés. En Afrique aujourd’hui, à côté de la religion traditionnelle africaine (RTA) qui remonte aux temps immémoriaux du continent, il existe de nombreuses autres traditions religieuses : le christianisme, l’islam, l’hindouisme, le bahaïsme, le judaïsme et le bouddhisme. David Barrett et ses compagnons ont publié, il y a quatre ans, une nouvelle édition de leur déjà célèbre travail, World Christian Encyclopædia : A comparative survey of Churches and Religions in the Modern World.[1] L’encyclopédie donne les chiffres suivants sur les adhérents aux religions :
Il est à peu près impossible de bénéficier d’un recensement crédible sur les appartenances religieuses en Afrique. Aucune colonne des fiches de recensement n’est prévue pour certaines croyances religieuses dans de nombreux pays d’Afrique. Dans la plupart des groupes ethniques, des êtres humains ne sont jamais comptés. Certains parents sont en effet très réticents à communiquer à un visiteur le nombre d’enfants qu’ils ont. Des motifs religieux pourraient expliquer cette hésitation. La prudence est donc de mise lorsque l’on cite les données sur la population en Afrique.[3] Malgré ce caveat, l’œuvre de David Barrett est utilisée comme statistique de travail. Elle n’adhère que de manière approximative à la véritable situation mais j’ai eu l’occasion de constater que de nombreuses personnes, spécialement des Évêques ou des Officiels des Secrétariats catholiques de différents pays d’Afrique, corroborent ce qui est présenté dans l’encyclopédie en question.
2. LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX EN AFRIQUE Le dialogue interreligieux concerne la rencontre entre personnes : être avec des personnes d’autres religions ; partager des valeurs (spirituelles, morales, etc.) ; travailler sur des projets d’intérêt commun en accord avec les enseignements de leur propre religion, cheminer ensemble en direction de la Vérité. De tels contacts, entre personnes de différentes religions, existent depuis très longtemps en Afrique ; ils ont commencé il y a quelques siècles avec la venue sur le continent de personnes appartenant à d’autres religions. L’histoire de l’islam en Afrique montre que les musulmans, en beaucoup d’endroits, sont entrés sans violence. Nombre d’entre eux sont arrivés comme commerçants, et, interagissant avec les Africains de la RTA, ils ont partagé, les uns avec les autres les valeurs enseignées par leurs traditions religieuses respectives : honnêteté dans le commerce, sincérité, bon voisinage. Avec le temps, ils ont aussi partagé les valeurs de la famille. Quelques communautés africaines se sont converties à l’islam. Même s’il y a eu peu de conversion de l’islam vers la RTA, l’influence de cette dernière sur les expressions de la religion musulmane ont été importantes. La modification du type d’islam pratiqué et les djihads qui ont suivi en Afrique de l’Ouest ont eu lieu, dans un certain sens, parce que des musulmans africains revenaient troublés du pèlerinage à la Mecque (Hajj) en raison de la différence entre l’islam « pur » du Moyen-Orient et les versions locales africaines « adultérées » (peut-être inculturées). L’une des raisons du djihad de Otman dan Fodio a été la purification de l’islam « corrompu » par la RTA. Les premiers missionnaires chrétiens venus en Afrique ont rencontré les adeptes de la RTA. Bien que beaucoup d’adhérents à la religion traditionnelle africaine se soient converti au christianisme, un bon pourcentage a continué à pratiquer leur religion ancestrale et à maintenir de bonnes relations avec les chrétiens, au village comme en ville. Même ceux qui s’étaient converti au christianisme, avaient conservé de nombreux éléments de la RTA : leur forme d’expression religieuse, leurs « structures de pensée » dans l’interprétation des événements de la vie, etc. Les missionnaires n’ont pas déplacé le gros de leur culture européenne imprégnée de christianisme car, au contraire, Propaganda Fide[4], les invitaient à ne pas se conduire ainsi. Dans certains endroits d’Afrique c’est un christianisme inculturé à visage africain qui a vu le jour.
3. LE DIALOGUE AVEC LA RELIGION TRADITIONNELLE AFRICAINE 3.1. Nostra ætate et la Religion traditionnelle africaine Nostra ætate ne mentionne pas directement la Religion traditionnelle africaine. Quelques théologiens donnent le point n. 2 comme référence à cette religion : Depuis les temps les plus reculés jusqu’à aujourd’hui, on trouve dans les différents peuples une certaine sensibilité à cette force cachée qui est présente au cours des choses et aux événements de la vie humaine, parfois même une reconnaissance de la Divinité suprême ou encore du Père. Cette sensibilité et cette connaissance pénètrent leur vie d’un profond sens religieux. Cette description ne présente qu’une très petite partie de la religion que nos ancêtres ont vécue et professée et dans laquelle ils sont morts. Bien que ce document n’aie pas pour but de présenter la religion, au fond, il demande aux chrétiens de ne pas rejeter ce « qui est vrai et saint » et il « exhorte ses fils » à dialoguer et à collaborer avec les adhérents de la religion traditionnelle africaine.
3.2. Progrès du dialogue avec la RTA en Afrique Par le passé, et jusqu’au Concile Vatican II, le nom de RTA n’a jamais figuré dans les documents officiels de l’Église catholique. Bien plus, ce nom n’existe même pas du tout jusqu’à ce que les chercheurs l’inventent dans les années 1960. Grâce à de nombreux savants (anthropologues, philosophes, théologiens, etc.), les Africains, comme les étrangers, ont pu apprendre à mieux connaître les croyances, la spiritualité, le mode de vie des Africains. En dépit des difficultés rencontrées avec la nomenclature sur la question de considérer la religion du point de vue ethnique et parler ainsi de la religion Bantoue, Yoruba, Mossi ou bien de se rapporter à un contexte plus international et parler de la ou les religions traditionnelles africaines, il est clair que l’on s’est mis d’accord sur un nom pour cette religion. A partir de 1968, les documents officiels de l’Église parlent de religion traditionnelle africaine.[5] Les attitudes des chrétiens envers la RTA et ses adeptes ont beaucoup changé. Un prêtre philippin a publié un livre intitulé From Pagans to Partners.[6] Je pense que le titre reflète bien le changement avenu au cours des 100 dernières années et en particulier dans le cas de la Religion traditionnelle africaine. Les premiers missionnaires chrétiens venus de l’hémisphère Nord en Afrique subsaharienne sont arrivés avec « la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ ». Mais ils ne sont pas arrivés de manière neutre avec une Bonne Nouvelle. Ils portaient avec eux leur point de vue, et interprétaient les événements en fonction de leurs propres grilles de lecture. Ils n’avaient pas, malheureusement, les nombreuses opportunités que nous avons aujourd’hui dans différents domaines : anthropologie, ethnologie, sociologie, missiologie, etc. Ils ont marqué la religion traditionnelle africaine de différents labels : magie, ésotérisme, paganisme, fétichisme, animisme, sorcellerie etc. L’un des principaux objectifs de l’activité missionnaire était d’extirper « ce paganisme » qui était aussi considéré comme barbare par les maîtres coloniaux (issus des mêmes milieux religieux et culturaux que les missionnaires). Les adeptes de la Religion traditionnelle africaine, décrit hier en termes désobligeants comme « païens » ou « idolâtres », sont aujourd’hui devenus des partenaires du dialogue, des collaborateurs sur des projets d’intérêts communs et des pèlerins sur le chemin de la vérité. Pour parvenir à ce stade, il a fallu à l’Église quelques années d’étude et de discernement pour accepter la Religion traditionnelle africaine comme religion porteuse de « l’écho de millénaires de recherche de Dieu, … parsemée d’innombrables « semences du Verbe » et peuvent constituer une authentique « préparation évangélique ».[7] Dans Africae terrarum, le Pape Paul VI, a souligné les valeurs spirituelles et morales de la RTA. Le Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux a établi, en 1972, la Section pour les Religions traditionnelles qui s’occupe de manière particulière de la RTA et des autres religions traditionnelles dans le monde. C’est au cours du Pontificat de Jean-Paul II que la RTA a reçu une attention majeure. Tout d’abord avec le Cardinal Arinze en 1984, nommé Président du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux, à qui le Pape demandait de porter l’attention sur la RTA. Le Cardinal a développé les motifs de ce dialogue et a présenté ses recommandations aux Conférences des Évêques d’Afrique sur la manière de promouvoir ce dialogue.[8] En trois occasions, (1986, 1994 et 2002), les chefs (venus du Togo, du Bénin et du Ghana) de la RTA ont été invités à prendre part aux rencontres des Religions du monde. Le point culminant de la rencontre de l’Église catholique avec les personnes de la RTA a été celui de la rencontre du Pape Jean-Paul II avec les adeptes du Vaudou, le 4 février 1993. Dans son exhortation post-synodale, Ecclesia in Africa, le Pape a donné l’instruction suivante : « Aussi faut-il traiter avec beaucoup de respect et d’estime les adeptes de la religion traditionnelle, en évitant tout langage inadéquat et irrespectueux. À cet effet, les enseignements qui conviennent seront donnés dans les maisons de formation sacerdotales et religieuses sur la religion traditionnelle ».[9] Reprenant cette dernière phrase du Pape, et en réponse à la demande de quelques Conférences épiscopales d’Afrique subsaharienne, le Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux a mené une enquête dans les grands séminaires et les maisons de formation en Afrique subsaharienne. En 2002, la RTA était matière d’enseignement dans trente-six des quarante-deux grands séminaires contactés et, dans les onze restants, elle était enseignée sous divers titres : inculturation, pensée africaine, spiritualité africaine, etc. Grâce à la participation active des enseignants de la plupart des grands séminaires d’Afrique, un programme d’enseignement de la RTA a été préparé et est déjà en partie utilisé. Il faudra voir l’impact de ce programme au cours des dix ou plus années à venir.
3.3. QUELQUES UNS DES DÉFIS DU DIALOGUE AVEC LA RELIGION TRADITIONNELLE AFRICAINE 3.3.1. Le défi issu de la nature de la RTA La RTA n’est pas une religion à laquelle adhèrent les Africains à un moment précis de leur vie. Elle n’est pas non plus une religion indépendante des autres aspects de la vie mais elle fait partie du bagage de la vision du monde africaine. En raison de la nature de cette religion et de son influence sur ses adeptes, ceux qui maintenant appartiennent à une autre tradition religieuse mais qui continuent à vivre dans une culture influencée par la RTA, proposent les formes de dialogue suivantes : Le dialogue ad extra avec ceux qui pratiquent la RTA. C’est la forme habituelle de dialogue qui demande d’être ensemble et de partager les valeurs propres enseignées par chaque religion tout en collaborant avec des personnes adhérentes à d’autres religions. Le dialogue ad intra : il comprend l’attention pastorale à ceux qui appartenaient précédemment à la RTA mais qui sont devenus chrétiens et qui souhaitent conserver quelques éléments précieux de la RTA. Ils sont invités à résoudre les conflits naissant de leur passage de la RTA au christianisme et nécessitent d’intégrer la vision du monde présentée par la RTA avec le christianisme.
3.3.2. Le défi de la prévention des préjudices passés Pendant de nombreuses années, pour chrétiens africains, la RTA a été présentée comme démoniaque. On sait maintenant, à la lumière d’une bonne formation théologique, que de nombreux éléments de la RTA sont précieux et qu’ils contiennent des semina Verbi pour l’évangélisation chrétienne. Le défi posé aux chrétiens est : comment expliquer ce changement d’attitude aux personnes de la RTA qui connaissent les efforts méticuleux des missionnaires faits par le passé pour déraciner leur religion ?
3.3.3. Le défi local du manque de connaissance Il est difficile d’« internationaliser » le dialogue avec la RTA. La RTA est tout d’abord une religion localisée dans des secteurs géographiques particuliers, avec des langues et des pratiques culturelles spécifiques etc. Les étrangers trouvent souvent difficile de pénétrer ces sociétés fermées ; parfois ils ne comprennent pas le langage et les modes de vie des adhérents de la RTA. Ceci conduit alors à une interprétation erronée des expressions religieuses. Les adeptes de la RTA se rattachent à une transmission orale de la tradition, à travers des proverbes, des dictons, des noms, des célébrations, etc. comme source de leurs croyances religieuses. La personne qui veut dialoguer avec eux doit être cultivée sur ces éléments de transmission des enseignements religieux. Les artisans internationaux du dialogue interreligieux qui manquent de cette « connaissance locale de la RTA » rencontrent des difficultés lorsqu’ils essaient d’engager un dialogue réel avec les adeptes de la RTA.
4. LE DIALOGUE AVEC L'ISLAM EN AFRIQUE Les relations entre chrétiens et musulmans en Afrique sont généralement bonnes. Ceci est rarement rapporté par les agences de presse. Nous entendons souvent parler d’affrontements entre chrétiens et musulmans au Nigeria, au Soudan, à Zanzibar etc. mais ils ont souvent des causes qui ne sont pas vraiment religieuses. Pendant longtemps, l’islam a existé en Afrique subsaharienne en s’opposant ou en partageant certains aspects de la culture. Certains musulmans ont une vision de la religion allant bien au-delà de leurs frontières immédiates. Récemment encore, il n’existait pas ce désir clair et articulé de prendre possession de tout le continent africain. On a maintenant l’impression que tout ceci a changé. Avec le soutien financier de pays musulmans extérieurs à la région subsaharienne, l’engagement missionnaire musulman est devenu significatif dans les projets sociaux (éducation, santé, création de lieux de culte). Nombre de chefs spirituels musulmans ont ouvertement essayé de faire accepter l’idée que l’islam est à l’Afrique ce que le christianisme a été pour l’Europe. La conférence internationale organisée en novembre 1989 à Abuja par le Nigerian Supreme Council of Islamic Affairs avec le Islamic Council of London et d’autres importantes organisations internationales était la tentative de focaliser l’attention du monde sur le fait que « l’Afrique constitue une grande potentialité islamique » qu’il faudrait exploiter.[10] De nombreux investissements et projets sur le continent sont porteurs de cette motivation en arrière plan. La population musulmane est répartie sur la plupart des pays de la région subsaharienne.[11] Sénégal, Gambie et Niger ont les plus hauts pourcentages de musulmans, de 75% à 90% de la population. Ils sont suivis du Mali, Sierra Leone, Tchad et Soudan avec 50% - 75% de la population. Guinée, Burkina Faso, Nigeria et Tanzanie viennent ensuite avec 25% - 50%. Liberia, Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Bénin, Cameroun et Mozambique compte de 10% à 20% de musulmans. Tous les autres pays d’Afrique subsaharienne ont moins de 10% de leur population musulmane.
4.1. Nostra ætate en dialogue avec l’islam Après le judaïsme, la religion suivante la plus important mentionnée dans Nostra ætate est l’islam. Au n. 3,
— Les catholiques sont appelés à respecter les musulmans « L’Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu Un, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de ta terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers. Bien qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète; ils honorent sa mère virginale, Marie, et parfois même l’invoquent avec piété. De plus, ils attendent le jour du jugement où Dieu rétribuera tous les hommes ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeûne ». (Nostra ætate, 3).
— Les catholiques sont appelés à vivre en paix et en harmonie avec les musulmans « Si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans ». (Nostra ætate, 3).
— Les catholiques sont appelés à promouvoir la justice et la paix « Le Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté ». (Nostra ætate, 3).
— Les catholiques sont appelés à développer la fraternité universelle « Nous ne pouvons invoquer Dieu, Père de tous les hommes, si nous refusons de nous conduire fraternellement envers certains des hommes créés à l’image de Dieu. La relation de l’homme à Dieu le Père et la relation de l’homme à ses frères humains sont tellement liées que l’Ecriture dit: "Qui n’aime pas ne connaît pas Dieu" (I Jean, 4. 8). Par là est sapé le fondement de toute théorie ou de toute pratique qui introduit entre homme et homme, entre peuple et peuple, une discrimination en ce qui concerne la dignité humaine et les droits qui en découlent. L’Église réprouve donc, en tant que contraire à l’esprit du Christ, toute discrimination ou vexation opérée envers des hommes en raison de leur race, de leur couleur, de leur classe ou de leur religion. En conséquence le Concile, suivant les traces des saints apôtres Pierre et Paul adjure ardemment les fidèles du Christ "d’avoir au milieu des nations une belle conduite" (1 Pierre 2, 12) si c’est possible, et de vivre en paix, pour autant qu’il dépend d’eux avec tous les hommes (cf. Rm 12, 18), de manière à être vraiment les fils du Père qui est dans les cieux (cf. Mt 5, 45) ».
— Et, plus important, les catholiques sont appelés à annoncer le Christ « D’ailleurs, comme l’Église l’a toujours tenu et comme elle le tient, le Christ, en vertu de son immense amour, s’est soumis volontairement à la passion et à la mort, à cause des péchés de tous les hommes et pour que tous les hommes obtiennent le salut. Le devoir de l’Église, dans sa prédication, est donc d’annoncer la croix du Christ comme signe de l’amour universel de Dieu et comme source de toute grâce ».
4.2. Quelques uns des défis du dialogue avec les musulmans en Afrique S’il est vrai que la coexistence entre chrétiens et musulmans est habituellement pacifique, des défis existent toutefois.
4.2.1. Le christianisme et l’islam sont toutes deux des religions missionnaires. Cela signifie qu’elles visent, toutes deux, à la conversion. En Afrique, elles « s’arrachent » même les convertis. Certains musulmans insistent pour dire que l’islam est la religion de l’Afrique et le christianisme, celle de l’Europe. Ils mettent en évidence les similitudes entre les cultures arabes/islamiques et les cultures africaines afin d’étayer leurs arguments sur l’« africanité » de l’islam. Dans leur relation avec les musulmans, c’est un défi pour les chrétiens africains, de prouver que leur religion est un appel universel et que le christianisme s’inculture lui-même dans chaque société.
4.2.2. L’Église catholique insiste sur la liberté religieuse. Dans certains pays d’Afrique, le passage de l’islam au christianisme est possible et est vécu paisiblement. Ailleurs, la conversion de l’islam à une autre religion n’est pas acceptable. Les convertis subissent l’ostracisme. Certains vont jusqu’à perdre leurs droits dans la société. De nombreux Africains ont émigrés vers les pays arabes de l’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et du Golf, soit pour y faire des études, soit pour y travailler. Les chrétiens sont appelés à donner un témoignage courageux de leur foi, car on pensent souvent que tout Africain doit être musulman. Dans certains pays, la pratique de la religion chrétienne est difficile et même, dans certains cas limites, presque impossible. C’est un défi, pour les chrétiens d’Afrique, d’œuvrer avec leurs frères et sœurs musulmans à la protection des droits individuels dans la société.
4.2.3. L’Afrique est considérée comme l’un, si ce n’est le plus pauvre continent au monde. Il arrive qu’une aide économique vienne de l’extérieur sans que cela n’engage à rien, mais certains pays riches élargissent leur soutien économique aux pays pauvres à la condition que ces derniers abandonnent les valeurs morales qui leur sont chères. Les chrétiens, comme les musulmans, sont appelés à défendre ces valeurs marquées du sceau immémorial des tabous et des interdictions de la RTA.
4.2.4. Il est toujours difficile de maintenir la paix et l’harmonie dans une société donnée si les membres d’une religion cherchent à influencer le gouvernement dans le but que sa doctrine gouverne la vie nationale. Je pense aux pays d’Afrique qui ont adhéré à l’Organisation de la Conférence Islamique, probablement en vue de recevoir des subsides des pays membres de l’organisation. Je pense aussi aux pays où la shari‘a est la loi de l’État et où les non musulmans sont contraints de suivre la manière de vivre islamique. Dans le dialogue, le défi posé à chaque personne est celui de « faire de la place » aux autres pour qu’ils existent et partager les dons de Dieu avec chaque être humain.
4.2.5. En Afrique, les fondamentalistes rendent la coexistence pacifique entre Chrétiens et Musulmans difficile. Dans certains pays, ils créent des tensions et engendrent des conflits. Démontrer que les personnes de différentes religions peuvent et doivent vivre ensemble, dans la société, est un défi qui se pose aussi bien aux chrétiens qu’aux musulmans d’Afrique.
5. LE DIALOGUE AVEC NOS SEMBLABLES CHRÉTIENS Je ne parle pas de l’œcuménisme qui est le dialogue entre chrétiens et qui a pour objectif la réunion de tous les chrétiens en accord avec la phrase du Christ « Que tous soient un » (Jn 17,21). Je pense à nos semblables catholiques car il existe des chrétiens qui sont sincèrement impliqués dans la direction prise par le dialogue interreligieux dans certains pays.
5.1. Ils se méfient du relativisme qui pense qu’une religion vaut l’autre. Le Pape Paul VI l’appelait « une atténuation, (…) une diminution de la vérité », et il ajoutait : « L’apostolat ne peut transiger et se transformer en compromis ambigu au sujet des principes de pensée et d’action qui doivent distinguer notre profession chrétienne ». (Ecclesiam Suam, 91). 5.2. Ils se méfient de l’irénicisme et du syncrétisme: un désir démesuré de faire la paix et d’amoindrir les différences à tout prix qui est “au fond, des formes de scepticisme envers la force et le contenu de la Parole de Dieu que nous voulons prêcher.” (Ibidem)
5.3. Ils se méfient des « champions » du dialogue interreligieux qui de manière graduelle, et parfois sans s’en rendre compte, deviennent les ponts de la diffusion de certaines religions ou donnent visibilité à des religions qui dans certaines régions géographiques n’en auraient que très peu, voire aucune.
5.4. Ce sont là de vraies questions pour le dialogue interreligieux. Comment répondons-nous à ces peurs ? Une personne ignorante sur sa propre religion ne peut pas être un bon promoteur du dialogue interreligieux. Il n’est pas suffisant d’étudier l’autre religion pour devenir un champion du dialogue. Pour promouvoir le dialogue interreligieux, il faut soi-même être bien enraciné dans sa propre foi et avoir des connaissances sur l’autre religion. C’est l’adhérent de l’autre religion qui va formuler sa propre foi. Il n’est pas demandé que nous devenions des experts de leur religion. Dans un vrai dialogue, il n’est pas demandé que nous parlions de la religion de l’interlocuteur mais que les partenaires du dialogue soient les vrais témoins de leur religion. On peut témoigner sa foi non seulement en professant sa religion, mais surtout en la vivant.
5.5. Dans le cadre de la promotion du dialogue interreligieux en Afrique, nous devons faire un effort d’approfondissement de notre connaissance du christianisme et, en même temps, c’est un défi pour nous d’accompagner les chrétiens ordinaires qui vivent dans nos villes et dans nos villages. Il est important d’être clair et transparent dans nos relations interreligieuses pour apaiser les peurs exprimées ci-dessus. _____________________________ [1] Oxford, University Press, 2001.
[2] Ceci inclus les dénominations chrétiennes. Le Saint-Siège publie, pays par pays et diocèse par diocèse, des statistiques annuelles des membres de l’Église catholique Cf. Annuarium Statisticum Ecclesiae et Annuario Pontificio.
[3] Chidi Denis Isizoh (ed.), Christianity in Dialogue with African Traditional religions, Seminar papers vol. 1 (2001), p. 19, Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux, Cité du Vatican.
[4] Cf. Collectanea S. Congr. De Prop. Fide, seu Decreta Instructiones Rescripta pro Apostolicus Missionibus, vol. 1 (ex Typographia polyglotta S. Congr. De Prop. Fide), Romæ 1907.
[5] En 1968, le Conseil Pontifical a publié : A la rencontre des religions africaines, Editrice Ancora, Milano-Roma.
[6] Cf. Leonardo N. Mercado, From Pagans to Partners: The Change in Catholic Attitudes towards Traditional Religion, Manila, Logos Publications, 2000.